Il était beau, il était courageux, il ne craignait personne.
Il avait un charme et un humour certains, il avait la repartie facile.
Il ne voulait que le bien.
Il n'avait dit qu'une chose.
Et il allait souffrir pour ça.
Iguru (aigle) se leva de sa chaise.
Il remonta la longue rangée de pupitres, tous inoccupés. Forcément, les cours étaient finis depuis longtemps,
les élèves avaient déserté les salles de cours pour rentrer chez eux, faire du sport ou boire un coup ensemble,
pour fêter la victoire de leur club de futsal, le premier match amical depuis sa création.
Iguru en était le capitaine. Il était en troisième année, jeune homme serein et amical, généreux et bon élève.
un peu frêle, à l'air rêveur mais passionné, lorsqu'il parlait de ce jeu légendaire, qui lui avait tellement apporté.
Il jouait depuis peu, mais déjà ses professeurs le considéraient comme une étoile montante, et regrettaient qu'il
n'ait pas choisi de devenir pro.
Mais cela n'intéressait pas l'adulte en devenir, qui contemplait à présent son pupitre depuis le devant de la classe.
Un pupitre. Un parmi tant d'autres. Une vie parmi les centaines d'autres que comptait ce petit lycée de la banlieue de Tokyo.
Un seul espoir. Un seul but. Plusieurs vies entremêlées, confuses et confondues, qu'un seul nom reliait.
"...rika !
Erika ! Reviens !
Je t'en supplie !
Ne me laisse pas tout seul !
S'il te pl..."
Iguru soupira et secoua la tête.
Ses cheveux noirs coulèrent dans un murmure, dérobant ses yeux à la face du monde.
Ses yeux gris pâle, qui s'embuaient de larmes.
Il n'avait pourtant rien fait, et il allait mourir.
Elle était Erika...
Mais aussi Akire...
Ou encore Ikare...
Ou bien Rekia...
Tant de noms différents pour une seule personne...
Et lui, Iguru...Rugiu.... Uguri...Giruu....
Tant d'existences, différentes mais si semblables...
Une seule de vraie, la seule qui comptait...
Et qui avait coûté tellement...
Iguru leva la tête et prit son courage à deux mains.
Il allait désormais faire face à son destin.
Erika, d'où que tu sois, je pense à toi...
Iguru sortit de la salle, remplie seulement de son silence.
Il descendit les escaliers, où il avait partagé tant de bons moments, entre amis, seul ou avec elle...
Il traversa le hall, où il avait écouté tant d'annonces de la vie du lycée.
Autant de joies et de tristesses qu'il chérissait.
Il poussa la porte.
"Alors, on ne vient plus dire bonjour à ses amis ?
Ce n'est pas très poli, Suzume (moineau) !"
Iguru ne réagit pas. Il était immobile au milieu de ces caïds, qui lui envoyaient des menaces chaque mardi.
Le jour où elle avait disparu...
Ils disaient que c'était de sa faute.
Le père de celle qu'il aimait était un bandit, mais il avait conservé des règles strictes et s'y tenait.
Il n'agissait que pour le bien de ceux qui l'entouraient, et ceux-ci le respectaient.
Il avait donné son accord pour qu'Iguru fréquente sa fille.
Elle aimait le jeu auquel il accordait tant d'intérêt, et passait des heures à jouer avec lui,
séparés seulement par un écran.
Akire,ou encore Ikare, ou bien Rekia... C'était elle.
Rugiu, Uguri, Giruu... c'était lui.
Et un jour, alors que Giruu parlait avec Akire, tout était devenu noir.
Parle-moi !
Je t'en prie !
Dis-moi que tu es encore là !
Je sais que tu m'entends !
ERIKAAAAA !
Iguru avait passé des jours à la chercher.
Il en avait perdu le sommeil et l'envie de vivre.
Le père de sa bien-aimée voyait sa douleur, et il tentait de la soulager.
Il connaissait bien sa fille, et savait qu'Iguru n'était pour rien dans sa disparition.
Mais... Les autres ne l'entendaient pas de cette oreille
Et c'est pour ça qu'ils étaient là.
Elle est partie.
Je ne sais pas où tu es, mais je sais que tu es vivante.
Parle moi !
...guru !
Erika !
Iguru, viens chez moi !
Comment ? Les sbires de ton père m'en veulent à mort !
Regarde, Iguru. Regarde et tu verras.
Iguru ouvrit les yeux, qu'il avait fermé.
Autour de lui, plus de caïds.
Des renards l'entouraient.
Ne t'en fais pas pour eux, ils redeviendront eux-mêmes plus tard.
Maintenant, va !
Iguru fila, comme porté par le vent lui-même.
Les maisons défilaient.
"Je viens voir Erika !"
On lui ouvrit, et il courut dans la chambre où il avait ri tant de fois avec celle qu'il aimait.
L'ordinateur était allumé.
Il ronronnait et semblait l'attendre.
Viens sur NosTale, je t'attends.
Comme dans un rêve, Iguru ouvrit le jeu, entra ses identifiants et se connecta sur Giruu.
Là, il n'en crut pas ses yeux.
Une gardienne se tenait face à lui, avec un Renard Dusi dans les bras.
Bienvenue, Giruu.
Iguru sourit, et commença à jouer...
Lorsque le père d'Erika entra dans la chambre, il en resta bouche bée.
Deux personnes étaient allongées sur le sol.
Sa fille, mais était-ce sa fille, cette déesse habillée de bleu et de vert ?
Et un jeune homme, habillé d'une tunique bleue, tenant un bâton de glace.
Il referma doucement la porte, sur les rêves d'Iguru et d'Erika...